Comment analyse-t-on la mobilité sociale ? La mobilité sociale est, comme le disait Alfred Sauvy, « un des sujets des plus attirants pour le public et des plus troublants pour le sociologue ». Cette notion prend ses sources dans les valeurs des sociétés modernes : la liberté (de choisir son destin), l'égalité (des chances offertes à tous), le progrès (des individus) et la rationalité (de leur distribution dans le corps social). D'une manière générale, ces enquêtes, à base d'études statistiques, étudient les groupes d'individus d'une profession soit en comparant leur position en début et en fin de carrière (mobilité intra générationnelle ou professionnelle), soit en comparant, à un âge donné, la profession d'un individu à celle de son père au même âge (mobilité intergénérationnelle ou sociale). En France, les premières études ont été réalisées par l'Institut national d'études démographiques (Ined), créé en 1945, puis par l'Insee à partir de 1953. Mais c'est surtout à partir de 1964 que les enquêtes « Formation, qualification professionnelle » (FQP) de l'Insee vont devenir la principale source d'étude de la mobilité professionnelle et sociale.
Quelle est son ampleur depuis cinquante ans ? L'idée de mobilité sociale a été contredite par beaucoup de sociologues qui ont souligné que la société française reproduisait, d'une génération à l'autre, la répartition sociale des individus, les enfants d'ouvriers devenant ouvriers, ceux de cadres, cadres : tel père, tel fils... Pourtant, les études statistiques montrent que, même s'il existe une réelle tendance à la transmission intergénérationnelle des statuts socioprofessionnels, il existe aussi une importante mobilité sociale ascendante. En 1953, plus de 50 % des hommes (âgés de 40 à 59 ans) étaient classés dans la même catégorie sociale que leur père. Cette proportion décroît de façon continue au cours des décennies suivantes : elle est de 40 % en 1970 et de 35 % en 1993. Pendant longtemps, ces études n'ont porté que sur les hommes, le statut des femmes étant assimilé à celui de leur conjoint (considéré comme chef de famille). Prenant en compte leur entrée massive sur le marché de travail, l'enquête FQP de 1993 a étudié leur mobilité en comparant leur statut professionnel à celui de leur père : 28 % seulement ont la même situation que lui. D’autre part, Ces progrès du salariat s'expliquent par le développement des emplois tertiaires, dans lesquels une majorité de femmes est venue s'installer au point d'occuper le quasi-monopole de certaines professions (infirmières, institutrices, secrétaires...). Les emplois de cadres ont eux aussi beaucoup augmenté, profitant surtout aux hommes.
Qui devient quoi ? Certaines catégories peuvent être considérées comme immobiles ou très mobiles. Près de neuf agriculteurs sur dix sont fils d'agriculteurs et plus d'un ouvrier sur deux est issu d'une famille ouvrière. En revanche, 75 % des enfants d'agriculteurs, la moitié des enfants d'ouvriers et 80 % de ceux d'employés quittent leur milieu d'origine : ce sont eux qui constituent le gros de la troupe des mobiles, pour rejoindre les professions intermédiaires et à terme celle des cadres. Les enfants de cadres, quant à eux, bénéficient d'une position sociale acquise : les trois quarts d'entre eux font partie des classes salariées supérieure ou intermédiaire. D'une manière générale, en France, on gravit l'échelle sociale selon un courant ascendant : agriculteur, ouvrier, employé et profession intermédiaire, cadre, sachant qu'il faut deux générations pour que les descendants de milieux modestes puissent devenir cadres.
Martine Fournier, numéro 106, juin 2000, Sciences Humaines.
http://www.scienceshumaines.com/index.php?lg=fr&id_dossier_web=51&id_article=531
Clara
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