lundi 1 février 2010

L'intégration des immigrés : un modèle européen qui se cherche

Auteur:Lydie Fournier.
Source: Sciences Humaines, Anthropologie, juin 2009.

L’Europe veut assimiler ses immigrés. Mais comment ? Dans chaque État, les nouvelles dispositions législatives oscillent entre muticulturalisme et assimilationnisme.
Nouveau passage obligé des candidats à l’immigration en France : l’apprentissage de La Marseillaise. Hautement symbolique, cette mesure est une nouvelle disposition du contrat d’accueil et d’intégration que doit signer depuis 2006 tout arrivant sur le territoire. Elle s’inscrit dans les décisions prises à Vichy en novembre dernier, à l’occasion de la conférence européenne sur l’intégration des immigrés, réunissant les ministres de l’immigration de chaque État membre. L’acquisition et la maîtrise de la langue du pays d’accueil, la connaissance des valeurs de la société européenne et l’accès à l’emploi ont constitué les trois axes majeurs de la rencontre, confirmant la volonté européenne d’une certaine conformité culturelle des candidats à l’immigration. Cette politique s’illustre à travers l’institution, surtout ces cinq dernières années, de plusieurs instruments législatifs sur le continent : contrats d’intégration en France, en Suisse et en Autriche, cours de langue obligatoires pour les nouveaux migrants en Allemagne et en France, tests à l’entrée aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne, en Estonie, au Danemark, en Allemagne, etc. Commentant l’actualité de la conférence de Vichy, Haleh Chahrokh, chercheuse sur l’Europe occidentale à Human Rights Watch, déclare que « les politiques d’intégration basées sur la discrimination risquent d’aliéner les migrants au lieu de favoriser leur intégration ». Dans le même état d’esprit, le philosophe Jean-Claude Monod s’interroge sur le sens de politiques d’intégration qui, loin d’une conception de l’intégration comme « processus social produit par l’immersion dans le pays d’accueil », réclament que les candidats soient en quelque sorte déjà intégrés avant même de s’installer sur le territoire. Serait-ce la fin du « multiculturaisme » qui respecte les différences culturelles, et le début d’un lien social fondé sur l’assimilation des minorités ethniques dans la société majoritaire ?
Symbole du multiculturalisme européen, la Grande-Bretagne a développé des politiques de gestion communautaire et d’égalité des chances, telles que le contrôle de la représentation des minorités ethniques dans l’emploi public. Allant plus loin encore dans la défense des particularismes culturels, les Pays-Bas se sont longtemps caractérisés par un système social dit « des piliers », selon lequel chaque confession dispose d’une organisation sociale propre favorisant l’entre-soi, et d’une série d’institutions communautaires (écoles, associations, médias, etc.) financées par l’État. Aujourd’hui en Grande-Bretagne, les subventions publiques des associations concernent prioritairement celles soucieuses de générer un pont entre les différentes composantes ethniques de la société.
Toutefois, au-delà de tendances nationales en faveur d’un modèle ou de l’autre, « l’intégration est partout et toujours un mélange d’assimilation et d’accommodation de la diversité culturelle », comme le souligne Jean-Claude Monod. Dans le contexte de l’après 11 septembre, convoquer la force symbolique de La Marseillaise ou souligner la distance culturelle de la Turquie à l’Europe procèdent du même processus : faire émerger une unité culturelle supposée, et générer une nouvelle forme de liant social et identitaire. Prôner l’assimilation constituerait alors, en partie, une ressource identitaire et politique à disposition d’institutions nationales et européennes en quête de légitimité.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire