lundi 25 janvier 2010

Les médias, nouvelle forme de culture?

Auteur: Xavier Molénat.
Source: Sciences Humaines > Anthropologie.
Quelles sont les nouvelles formes de pratiques culturelles liées à la croissance des médias et des technologies de communication ?

Les médias occupent une place de plus en plus prépondérante dans nos vies, particulièrement dans nos loisirs. Malheureusement, la sociologie n'a pas été très prompte, à s'intéresser à ces nouveaux moyens de communication, à leur contenu et surtout aux usages et pratiques culturelles (échanges de fichiers sur le Web, sociabilités autour de la musique ou des émissions télévisées, usages militants d'Internet...) qui leur sont liés.
La spécificité de ces « cultures-média » est, comme le soulignait le sociologue Olivier Donnat, de se situer au croisement de deux traditions divergentes, du moins en France. D'un côté, une sociologie de la culture qui, dans la foulée des travaux de Pierre Bourdieu, analyse les pratiques culturelles, essentiellement les plus « nobles », sous l'angle des différences entre les classes sociales. De l'autre, la sociologie de la culture de masse telle qu'a pu la pratiquer Edgar Morin, insistant davantage sur les effets d'homogénéisation et de standardisation des produits de l'industrie culturelle. Des tentatives de dépassement de ces oppositions ont eu lieu mais elles restent timides et peu suivies. Donnat, signalait par ailleurs que cette opposition entre domaine de la culture et domaine des médias se traduisait aussi institutionnellement. Ainsi, malgré son intitulé, le ministère de la Culture et de la Communication ne compte aucun service prenant en charge la question des médias (la direction des médias dépendant directement du Premier ministre). Plusieurs éléments confirment selon lui cette « incapacité [institutionnelle] à penser ensemble culture et médias », tels que la vision répandue d'Internet uniquement comme « machine à pirater », ou bien encore le récent rapport Latarget sur l'avenir du spectacle vivant, qui n'aborde à aucun moment la question des industries culturelles...
Selon Hervé Glévarec, si la plus ou moins grande valeur des diverses pratiques culturelles était définie essentiellement par l'école, on assiste aujourd'hui à une « pluralisation des ordres de légitimité », en lien notamment avec de nouveaux clivages liés à l'âge. Prenant l'exemple de la musique, il a souligné que les médias contribuent, dans ce cadre, à façonner des « genres » qui deviennent incommensurables : difficile aujourd'hui d'affirmer que le classique « vaut » plus que le jazz, lui-même valant plus que le rock et le rap. Il faut en effet tenir aussi compte de la montée d'un « régime de justice pluraliste contemporain », qui tend à reconnaître comme légitimes toutes les formes de cultures sans établir de hiérarchies entre elles. Le sociologue Eric Maigret, insistait sur l'affirmation contemporaine de l'individu, qui entraîne des usages de la culture de plus en plus centrés sur la sociabilité et l'expressivité. Un film grand public comme Matrix, « qui n'aurait pas pu gagner à Cannes », a dû son succès notamment au fait qu'il reprenait des questionnements existentiels (le choix, le libre arbitre, la réalisation de soi) de plus en plus délaissés par la culture « noble ». Il faut selon lui relier cela à l'exigence de liberté et d'authenticité de l'individu contemporain. Les diverses interventions de cette journée d'étude plaidaient pour que l'on prenne au sérieux, sociologiquement parlant, ces nouvelles « cultures médiatiques », qui « ont des incidences sur les pratiques traditionnelles, mais [...] sont aussi le support de pratiques émergentes » appelées à prendre une place de plus en plus prépondérante dans nos sociétés.


Article complet: http://www.scienceshumaines.com/index.php?lg=fr&id_article=4270

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire